La loi Hadopi, votée en 2009, devait permettre de lutter contre le téléchargement illégal de films, séries ou œuvres musicales. Critiquée, notamment pour une efficacité toute relative et un processus de mise en garde long et couteux pour le contribuable, Hadopi semble toucher à sa fin. La loi a été modifiée et l’adoption de sa mise hors service en 2022 semble acquise.

Il est temps de faire un bilan sur cette loi, après 9 ans de services, et de comprendre à travers l’évolution du marché du téléchargement pourquoi elle s’est montrée si peu efficace.

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Hadopi vers la porte de sortie en 2022

La Loi Hadopi entendait apporter une solution au problème du téléchargement illégal. Face à la consommation massive de musique, de films et de séries, le gouvernement français a mis en place la loi Hadopi en 2009, avec un système de riposte graduée.

Il s’agissait de prévenir une première fois par mail l’utilisateur contrevenant, puis de poursuivre le processus avec une seconde alerte cette fois-ci mail et papier, avant une potentielle amende. Un processus long et qui n’était que rarement mené à son terme, comme on l’explique dans cet article sur les avertissements Hadopi.

La loi a dû faire face à de nombreuses critiques, notamment par rapport à ses coûts pour les contribuables, et son bilan final que nous détaillons ci-dessous n’est pas très enthousiasmant. C’est certainement cela qui a poussé les députés de l’assemblée générale (ils n’étaient que 7 ce soir-là, en 2016) à voter la fin d’Hadopi pour 2022, la date à laquelle le mandat des membres actuels de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet prendrait fin.

Même si une révision est encore possible en seconde lecture, on ne s’étonne pas de voir Hadopi disparaître. Entre l’évolution des mœurs concernant le téléchargement, les nouvelles offres plus adaptées à un public de consommateurs en ligne, et son bilan très contrasté, Hadopi n’a jamais convaincue et la loi à surtout permis à certains de gagner beaucoup d’argent. Retour sur ce bilan !

Fin d’Hadopi : quel bilan tirer pour l’instant ?

Pour mesurer l’efficacité d’une loi, il est bon jeter un œil aux statistiques qui la concernent. Pour Hadopi, nous en sommes à 9 ans d’existence, largement le temps de faire un bilan.

Durant ce laps de temps, Hadopi a envoyé plus de 8 millions de premiers mails de prévention, suivis de plus de 700 000 seconds avertissements. Cela a débouché sur environ 6000 cas de récidives, qui ont été examinés. Ensuite, ce sont à peine 1500 dossiers contre ces récidivistes qui ont été transmis au tribunal, avec au final… à peine 300 jugements. Beaucoup de bruit pour rien ?

Concernant les condamnations, il reste difficile d’avoir accès aux chiffres exacts. Toutefois, on sait que la plupart des amendes émises contre les pirates étaient comprises entre 50 euros et 1000 euros, sans ne jamais excéder 1500 euros. Des mesures à peines dissuasives, et bien moins sévères que les premières sanctions imaginées (3 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende).

En effet, au départ, Hadopi devait sanctionner l’utilisateur financièrement, mais aussi le priver de son accès internet pendant une période définie. Une mesure très controversée, qui a finalement été annulée en 2013. Dès lors, la loi Hadopi amorçait sa route vers une fin de vie programmée.

Il faut rappeler que cette loi Hadopi a aussi connu un second coup d’arrêt en 2015, qui aurait pu signer sa fin. Les FAI (fournisseurs d’accès Internet) ont fait une levée de boucliers en s’opposant à la transmission des données personnelles de leurs utilisateurs et Bouygues Télécom à fait condamner l’Etat.

Privée de ces mesures phares, la loi n’a jamais convaincu. Mais elle a su profiter à quelques personnes !

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Hadopi : la fin d’un système très coûteux

Vous imaginez bien que la surveillance continue des internautes, couplée à la l’envoi de mail et de courrier ne se fait pas tout seul. Et vous avez raison ! Ce sont près de 60 personnes qui ont été assignées à cette tâche.

Annuellement, on estime le coût de la mise en œuvre de la loi Hadopi à plus 10 millions d’euros. En 9 ans d’existence, ce sont près de 100 millions d’euros qui ont donc été investis dans cette lutte contre le téléchargement illégal. Mais le souci, c’est que les fonds alloués à ce combat ne servaient pas forcément à améliorer les process ni à optimiser l’ensemble du système, mais bel et bien à rémunérer grassement les membres de ce conseil de contrôle des droits sur internet. Avec des salaires mensuels frôlant les 5000 euros, il est normal que certains se soient mis à grincer des dents.

C’est donc beaucoup d’argent, investis à fonds perdus, dans un système peu fonctionnel. Car au final, le consommateur n’a jamais bien compris de quoi il s’agissait. Télécharger illégalement en P2P présente un risque, mais on ne risque rien à streamer ? Et les jeux vidéo téléchargés illégalement ne sont pas soumis à cette loi ? Et puis je paie mon internet, alors pourquoi je n’aurai pas le droit d’accéder à la culture proposée sur le web ?

Des incompréhensions, en premier lieu, mais aussi le développement d’une offre nouvelle, en adéquation avec le mode de consommation actuel de musiques, séries ou film. Si Hadopi touche à sa fin, c’est aussi car certains acteurs de l’industrie du divertissement ont réussi à proposer mieux qui le téléchargement illégal.

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Hadopi fin : le succès des plateformes légales Vs le téléchargement illégal

Si la fin d’Hadopi est proche, c’est aussi car des alternatives viables au téléchargement ont été proposées par les entreprises du secteur. On trouve désormais d’excellentes plateformes de téléchargement légal qui permettent aux utilisateurs d’avoir un accès permanent à des centaines de films ou de séries, comme c’est le cas avec Netflix, ou à de la musique en continu comme le propose Spotify.

Il faut bien comprendre que le téléchargement illégal s’est démocratisé au début, car les prix proposés par les revendeurs, pour les albums musicaux ou les films n’étaient pas en phase avec la réalité. Entre payer 25 euros le Blu Ray du dernier Tarantino et le voir gratuitement, le choix était vite fait. Seuls les puristes, avec les moyens financiers nécessaires et l’envie d’avoir la meilleure qualité possible, se refusaient au téléchargement. Pour les autres, que ce soit en P2P ou en Streaming, le choix paraissait logique.

Mais aujourd’hui, la qualité est présente sur des sites de téléchargement légaux, avec des tarifs tout à fait raisonnables. Et il existe même des offres d’utilisation gratuites financées uniquement par de la publicité par instant. Du coup, l’utilisateur à le choix de se tourner vers du légal ou de l’illégal, à son bon vouloir.

Parmi les solutions les plus utilisées, on a donc les abonnements mensuels à des plateformes qui disposent de catalogues colossaux, les sites de streaming, qui sont eux interdits mais les poursuites ne concernent que les sites eux même et pas leurs utilisateurs, ou l’utilisation de VPN pour devenir intraçable sur le net et ainsi se servir de sites pirates.

Peu à peu, il est certain que les offres légales vont devenir la norme, et qu’il ne sera plus utile de pirater les films ou les séries. Le chemin est encore long, notamment quand on voit les chiffres de piratage de la série Game of Thrones. Celle-ci détient le record avec  plus de 100 millions de visionnages illégaux à peine 72 heures après la sortie d’un épisode. Mais le chemin pris semble le bon.

Cette rééducation du consommateur, qui ne passe pas par la répression, pourrait permettre de sauver une industrie en déclin, et c’est tant mieux. Il serait dommage de voir cette culture disparaître ! Dans le même temps, elle rend la loi Hadopi obsolète. Elle vivotera encore quelques années, avant de partir définitivement, avec au final pour seul mérite d’avoir ouvert le débat concernant le marché des œuvres numériques en ligne.